Le Concours Eurovision de la Chanson est bien plus qu'une simple compétition musicale - c'est un véritable phénomène culturel qui rassemble chaque année des centaines de millions de téléspectateurs à travers l'Europe et au-delà. Depuis ses débuts en 1956, ce spectacle unique mêle musique, show visuel, et un brin de diplomatie internationale. Pour les fans comme moi qui ont grandi en regardant les finales télévisées dans les années 90 et 2000, l'Eurovision est synonyme de souvenirs chaleureux et de découvertes musicales parfois improbables.
L'Eurovision 2025 se déroulera selon le format désormais classique adopté depuis quelques années : deux demi-finales (les 13 et 15 mai) suivies de la grande finale le 17 mai. Cette organisation permet d'accueillir un plus grand nombre de pays participants tout en maintenant un show final d'une durée raisonnable pour les téléspectateurs.
Dans les années 90, la diffusion de l'Eurovision en France se limitait généralement à la seule finale, présentée sur France 2 ou France 3 avec des commentateurs emblématiques comme Olivier Minne, Julien Lepers ou Dave. À cette époque, l'ambiance était plus décontractée, presque familiale, avec une mise en scène souvent plus sobre qu'aujourd'hui.
En 2025, la diffusion s'est considérablement étoffée. France Télévisions propose désormais les deux demi-finales en plus de la grande finale, avec une couverture médiatique étendue et des émissions spéciales. Les réseaux sociaux ont également transformé l'expérience, permettant aux fans de commenter en direct et de découvrir les candidats bien avant le jour J.
Certains pays sont directement qualifiés pour la finale sans passer par les demi-finales. Il s'agit du "Big Five", composé de la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni. Cette règle existe car ces cinq pays sont les plus grands contributeurs financiers de l'Union Européenne de Radio-Télévision (UER), l'organisme qui organise le concours. À cela s'ajoute traditionnellement le pays hôte, vainqueur de l'édition précédente, qui cette année est la Suisse.
Une tendance marquante dans l'édition 2025 est l'utilisation fréquente de la voix de tête, y compris chez des artistes à la voix normalement grave. Même ADONXS de la République tchèque, qui chante principalement avec une voix de basse puissante, termine son morceau "Kiss Kiss Goodbye" par une impressionnante envolée en voix de tête. Cette technique vocale particulière, souvent qualifiée d'efféminée, est devenue presque incontournable pour créer des moments d'émotion et de climax dans les performances.
Contrairement à l'idée reçue selon laquelle la France s'obstinerait à présenter des chansons en français - ce qui expliquerait l'absence de victoire depuis Marie Myriam en 1977 - l'édition 2025 démontre que la langue de Molière a toujours la cote. Outre la France représentée par Louane avec "Maman", pas moins de cinq autres pays présentent des chansons partiellement ou entièrement en français : les Pays-Bas avec "C'est la vie", l'Australie et leur "Milkshake Man", Israël avec "New Day Will Rise", le Luxembourg avec "La poupée monte le son", et la Suisse avec "Voyage". Cette présence confirme que le français reste une langue appréciée, même si le succès d'une chanson dépend avant tout de sa qualité intrinsèque et de sa mise en scène.
L'édition 2025 reflète indéniablement son époque. Dans un contexte géopolitique marqué par la guerre en Ukraine et l'absence de la Russie (exclue du concours), les chansons présentées cette année sont résolument modernes et ancrées dans l'air du temps. On retrouve toujours des éléments folkloriques ou extravagants qui font le sel de l'Eurovision, mais l'ensemble de la sélection témoigne d'une volonté de s'inscrire dans les courants musicaux contemporains.
On observe notamment un retour aux sources de l'eurodance des années 90, style qui connaît actuellement un regain de popularité dans l'industrie musicale mainstream. Après plusieurs années dominées par le hard rock et le métal, la danse revient en force, illustrant ce cycle d'influences typique du concours.
L'Australie participe à l'Eurovision depuis 2015, un fait qui surprend encore de nombreux spectateurs. Cette participation, initialement prévue comme exceptionnelle pour célébrer les 60 ans du concours, s'est pérennisée en raison de l'énorme popularité de l'Eurovision en Australie et des liens culturels forts avec l'Europe.
Cette année, Go-Jo représente l'Australie avec "Milkshake Man", un titre dans le plus pur esprit Eurovision : déjanté, dansant et incluant même quelques paroles en français. Cette participation illustre l'ouverture progressive du concours, qui pourrait théoriquement s'étendre à d'autres nations ayant des liens culturels avec l'Europe, comme pourquoi pas le Canada, particulièrement dans le contexte géopolitique actuel avec les États-Unis.
L'Autriche, avec JJ interprétant "Wasted Love", semble avoir de grandes chances de remporter le concours cette année. Si cela se confirmait, ce serait la deuxième année consécutive qu'une chanson interprétée en voix de tête l'emporterait, après la victoire de la Suisse l'an dernier avec "The Code" de Nemo. Le trophée resterait ainsi dans la même région alpine, passant simplement d'un pays germanophone à un autre.
L'issue du concours reste cependant incertaine, car les votes du jury professionnel et du public divergent souvent considérablement. L'année dernière, cette divergence était particulièrement visible concernant Israël, qui avait reçu un soutien massif des téléspectateurs européens, tandis que le jury semblait plus réservé, possiblement pour des raisons politiques.
L'édition 2025 se distingue par le niveau général très élevé des chansons en compétition. Des titres comme "Run With U" de l'Azerbaïdjan ou "Poison Cake" de la Croatie ont le potentiel de créer la surprise. Le groupe arménien Parg avec "Survivor" fait également partie des favoris, tout comme la Suède avec "Bara bada bastu" de KAJ, qui apporte une touche d'humour bienvenue "SONAAA!".
Si les versions studio (ou "radio edit") des chansons sont généralement très travaillées, la performance live le jour J peut radicalement transformer la perception d'un titre. Les règles de l'Eurovision exigent que toutes les voix soient chantées en direct, avec un maximum de six personnes sur scène et sans animaux vivants. L'orchestre ayant disparu depuis longtemps, la bande-son instrumentale est préenregistrée.
Cette contrainte du direct favorise souvent les artistes possédant une technique vocale irréprochable. C'est pourquoi de nombreux gagnants se distinguent par leurs capacités vocales exceptionnelles, capables de reproduire en conditions de stress les prouesses entendues en studio.
Une chanson d'Eurovision victorieuse suit souvent une structure bien précise : après un développement progressif, elle atteint un break suivi d'un pont épique et d'un final grandiose - un véritable bouquet final musical, exemple cette année avec la Serbie avec le titre "Mila". Cette architecture n'est pas systématique, mais elle constitue une formule éprouvée qui maximise l'impact émotionnel sur l'audience.
L'exemple de Slimane l'année dernière est révélateur : malgré une chanson de qualité, son interprétation avait été optimisée tardivement avec l'ajout d'un passage a cappella final où il démontrait sa puissance vocale en s'éloignant du micro. Malgré ce moment fort, cette amélioration est intervenue trop tard dans le cycle promotionnel pour changer significativement le résultat (le clip était objectivement à chier avec sa "Veste Boule A Facettes" qui aurait attiré tous les chats de l'Europe 🤣).
Gagner l'Eurovision représente un honneur mais aussi une responsabilité considérable : le pays vainqueur doit organiser et financer en grande partie le concours l'année suivante. Pour France Télévisions, déjà soumis à des contraintes budgétaires importantes, une victoire représenterait un investissement de plusieurs dizaines de millions d'euros. Cette réalité financière alimente parfois des théories selon lesquelles certains pays pourraient délibérément éviter de gagner - une idée qui reste néanmoins très contestable au vu de la fierté nationale associée à une victoire.
Basé sur les versions studio des chansons, voici mon quinté dans l'ordre :
L'édition 2025 reflète la diversité qui fait la richesse de l'Eurovision, avec un mélange de jeunes talents émergents et d'artistes plus expérimentés. Si certains participants s'inscrivent dans la pure tradition Eurovision avec des titres festifs et extravagants (comme la Finlande avec "Ich komme" d'Erika Vikman ou l'Autralie avec "Milkshake Man" de Go-Jo), d'autres proposent des approches plus intimistes ou innovantes.
Le niveau général est particulièrement élevé cette année, créant un peloton central très dense où de nombreuses chansons pourraient prétendre aux premières places. Même si tous les titres n'ont pas le potentiel pour remporter la victoire finale, très peu risquent de connaître l'humiliation des "nul points".
L'Eurovision 2025 s'annonce comme une édition particulièrement relevée, à l'image d'un concours qui a su se réinventer tout en conservant son ADN unique. Entre tradition et modernité, entre enjeux géopolitiques et pures performances artistiques, ce rendez-vous annuel continue de fasciner des générations de spectateurs.
Pour les passionnés comme pour les curieux, les demi-finales du 13 et 15 mai, puis la grande finale du 17 mai 2025, promettent un spectacle haut en couleurs, reflet d'une Europe diverse, créative et résolument tournée vers l'avenir malgré les turbulences.
Mon analyse se concentre exclusivement sur les versions studio des titres, sans prendre en compte les nuances scéniques ou les contraintes potentielles de leur participation. Certaines chansons, bien que de qualité musicale, semblent inadaptées au format et à l'esprit de l'Eurovision, les plaçant d'emblée dans une position défavorable.